Les basses d’Imagine Dragons résonnent haut et fort dans la villa, un peu trop fort peut-être. Il se pourrait que je me sois trop laisser aller ce matin niveau son. La chaîne de ma chambre n’est pourtant pas au maximum, mais la villa est si bien insonorisée que je ne crains pas le retour des voisins. Et dire que je devrais bientôt quitter cet endroit… Un pincement au cœur m’étreint en pensant à Monsieur Woodsworth. J’aurais pu être une voleuse, une arnaqueuse, une ecroc… n’importe qui en fait. Et il m’a ouvert les portes de chez lui avec une telle générosité que ça m’en étonne encore. Comme il le disait si bien : la villa était vide, il était seul et ne disait pas non à un peu de vie dans sa maison. Une chambre était pour Aaron, toujours prête « au cas où » comme il disait. Je lui ai offert quelques dessins, comme il aimait ma « griffe ». Et je lui ai appris à faire un rainbow cake. C’est mince en comparaison de tout ce qu’il m’a apporté. Quand on s’est installés en cuisine, il a d’abord ri. « Tu ne me fera jamais faire ça, Grace. » Bah finalement, il l’a fait. Et quand j’ai planté la corne pour faire ressembler le gâteau à une licorne, il a éclaté de rire une nouvelle fois. Je me fichais de passer pour une excentrique à ses yeux, du moment qu’il oubliait un peu sa maladie et la disparition de son fils.

J’efface le sourire qui est venu à mes lèvres au souvenir de ces bons moments, et je prends ma brosse à cheveux pour dompter ma tignasse. Aujourd’hui je vais voir Mr Woodsworth fils. Aaron, de son prénom. On s’est croisés en vitesse plusieurs fois mais il me semblait fort occupé et on avait tellement à faire avec la succession de son père qu’on a pas vraiment parlé. Il faut absolument que je lui dise que je vis dans l’ancienne villa de son père, parce qu’il va peut-être m’en virer à coup de fourche sinon. Je poursuis mes recherches d’appartement seulement le boulot me prend tellement de temps que ce n’est pas vraiment dans mes priorités.

Quelques pas de danse me mènent à la chambre que j’occupe. La vue est splendide depuis la baie vitrée : les nuances de bleus s’étalent sous mes yeux, les nuages courent dans le ciel, les oiseaux pépillent dans les arbres et je ne peux m’empêcher de scruter chacun de ces détails. Je m’aperçois que j’ai oublié ma trousse de maquillage au rez-de-chaussée. Je dévale rapidement les marches et déboule dans la cuisine pour trouver ma trousse sur la table de la cuisine et… Aaron, qui me regarde comme si j’avais dix yeux sur la tête. Ma mâchoire se bloque, mes yeux s’élargissent de surprise tandis que je cherche quoi dire. Si j’espérai le devancer, c’est loupé. Je ne sais pas ce que je ferais si je croisais une nana en mini-short et haut dépareillé dans la cuisine de mon père. « Oh… euh… salut ! » dis-je dans un premier temps. J’avale bruyamment ma salive. Je sens que ça va être un moment délicat. « Je suis Grace, on s’est croisés plusieurs fois à l’hôtel mais on a jamais vraiment eu le temps de … se parler. »